LES ENFANTS DE LA PLEINE LUNE

Le Vieux séquestre dans le plus grand isolement la Mère et les jumeaux Maude et Jules. Despote primaire, il fait peser sur sa famille une peur panique de l'extérieur. Son seul rapport à ses enfants passe par les tables de multiplications qu'il les force à réciter. Mais l'arrivée de l'adolescence, le besoin de vivre vraiment vont casser l'édifice de l'oppression. La guerre éclate bientôt entre les enfants et le père. Les monstres et leur monstrueuse banalité sont là, parmi nous. N'est-il pas tout aussi monstrueux de l'ignorer? Dérangeant de l'admettre. Librement inspiré d'un fait-divers, ce texte tente d'aborder l'horreur d'une manière différente de celle des médias.

Pièce à 4 personnages – 1 femme, 1 homme, 1 jeune femme, 1 jeune homme.

Théâtre du Vieux Colombier, Paris, juillet 2009. Avec les comédiens du Français, mise en espace d'Isabelle Gardien.

Création canadienne par le Théâtre de l'Opsis, Montréal, octobre 2011. Mise en scène Luce Pelletier.

Kritics.com / Ophélie Grevet

« L’enfance… L’enfance et ses multiples langages. Dès les premières mesures de cette pièce, on frissonne. Les mots d’alors remontent si facilement en surface, qu’on les imagine glissant à la surface d’un miroir, comme des gouttes d’eau. Bulles d’émotion et regards tournés vers la promesse d’un nouvel été, l’auteure dramatique Emanuelle delle Piane, nous propose un voyage,  jusqu’aux portes du sensible.

On songe à Nathalie Sarraute avec la danse des pointillés et des silences, semés comme des petits cailloux blancs, pour tout brouiller les pistes ; mais pour la donner à entendre au théâtre, Emanuelle delle Piane, refuse le jeu de la seule réalité. Intuitivement, elle semble suivre naturellement ses personnages, pris dans la nasse de l’enfermement. Un exercice périlleux, qui ne doit pas tomber dans l’à-côté de la fragilité. Aller droit au but, en dépit de la tentation métaphorique. Se positionner loin des redites, clichés et autres erreurs grotesques des « spécialistes éclairés » de l’enfance, bien trop occupés à l’éplucher, à la décortiquer, à la dépiauter, sans tenir compte du seul mot qui construit la vie : l’amour. Avant de songer à grandir, l’amour on en mangerait sans cesse… et les toc-tocs du cœur des orphelins, en les écoutant attentivement, pour sûr, on dirait du Mozart.

Dans « Les Enfants de la Pleine Lune », il y a la mère, le premier repère. Figure argentée de la sainte famille, elle se donne à ses petits corps et âme. Son cœur irradie, malgré l’obscur enfermement paternel.

Il y a le vieux, ce goinfre de père qui veut tout avaler, mère et enfants. Il est le soleil noir de la tribu, celui qu’on craint et qu’on déteste. Le genre de père, qu’on croit sorti de « Bone » le livre de Dorothy Allison. On a vite envie de lui écraser la tête contre un mur, à ce salaud. La fillette, qui deviendra auteure, trouvera un jour le courage de tout dire.

Il y a les enfants, qui fuient la réalité en se racontant des histoires.

L’écriture dramatique d’Emanuelle delle Piane réussit à nous plonger dans l’eau noire du bain de la belle et douloureuse enfance. Interpellés, malgré nous !  On a tous des rêves bleus au fin fond des poches. Au théâtre, on va les retrouver, et les partager ! Parole et regards d’enfants… sans oublier ce qui broie, casse, enferme, justement. Juste avant l’outrance, il y a la douceur qui voudrait bien passer. Les mots viennent au secours des maux, dans cette pièce. Ils consolent de presque tout… allant même cueillir des fous-rire dans la vallée du drame. L’auteure dérive du corps du texte au point éblouissant discursif, avec poésie, pudeur, et sans chercher forcément à nous plaire. Pourquoi ? Sans doute pour nous rappeler, que l’enfance est un monde à préserver, toujours. »